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428. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Le maréchal Marmont, duc de Raguse. — III. (Suite et fin.) » pp. 47-63

Il avait cinq pouces de taille de plus que Napoléon ; son front était de son père ; son œil, plus enfoncé dans l’orbite, laissait voir quelquefois un regard perçant et dur qui rappelait celui de son père irrité ; l’ensemble de sa figure pourtant avait quelque chose de doux, de sérieux et de mélancolique. […] Se rappelant la conversation qu’il avait eue avec Napoléon avant Leipzig, à Düben, le 11 octobre 1813, et que les événements subséquents avaient gravée en traits brûlants dans son souvenir, le maréchal fut très frappé de ce qu’il croyait une coïncidence fortuite ; mais, comme il en parlait à une personne de la Cour, il sut que le jeune prince avait été informé par elle de cette conversation de Napoléon et des traces qu’elle avait laissées dans le cœur du maréchal. […] Cet épisode touchant et pieux de l’exil de Marmont achèverait de réfuter, d’effacer les inculpations de 1814, si, après les explications qu’on a vues, elles laissaient encore quelque impression dans les esprits. […] En effet, après le premier moment passé, il dédaigna toujours les justifications et les apologies : « Je ne puis paraître vouloir me justifier, disait-il ; je ne veux surtout pas laisser croire que j’en sens le besoin. » Le gouvernement de Juillet ne fut jamais bien pour Marmont ; d’anciens camarades maréchaux mirent peu d’empressement et de bonne volonté à le servir. […] Après le procès des ministres, et sur l’impression favorable qu’avaient laissée les dépositions des témoins, il aurait, certes, pu rentrer en France : mais il n’était pas homme à y rentrer par la petite porte, et, de la nature qu’il était, il n’y pouvait reparaître que la tête haute.

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