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1617. (1856) Cours familier de littérature. II « VIIIe entretien » pp. 87-159

Là des peuples taris ont laissé leurs lits vides ; Là d’empires poudreux les sillons sont couverts ; Là, comme un stylet d’or, l’ombre des pyramides Mesure l’heure morte à des sables livides         Sur le cadran nu des déserts ? […] Les Francs, ces croisés de la conquête, s’en emparent et lui donnent son nom ; les Bretons, les Normands s’établissent sur ses côtes du nord ; les Lombards et les Germains inondent les rives de son Rhin et de sa Saône ; les Goths y débordent des Pyrénées sur ses versants français, les Liguriens et les Grecs sur ses Provences ; les Sarrasins eux-mêmes pénètrent jusqu’au cœur du pays, et y laissent, en refluant vers l’Espagne, des colonies, des mœurs, des langues, des imaginations orientales. […] Regardez bien un visage, et tâchez de vous expliquer à vous-même pourquoi ce visage vous charme ou vous repousse, ou vous laisse indifférent ; le secret de cette indifférence, de ce charme ou de cette répulsion est-il dans tel ou tel trait du visage ? […] il en est de même du style : nous sentons s’il nous charme ou s’il nous laisse languissants, s’il nous réchauffe ou s’il nous glace ; mais il est composé de tant d’éléments indéfinissables de l’intelligence, de la pensée et du cœur, qu’il est un mystère pour nous comme la physionomie, et qu’en le ressentant dans ses effets, il nous est impossible de l’analyser dans ses causes. […] Sa langue, jusque-là heurtée par la pensée, et hâtée par la précipitation qui ne lui laissait pas le temps de rien polir, y prit l’ampleur de Cicéron.

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