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391. (1805) Mélanges littéraires [posth.]

La seule règle générale qu’on puisse donner sur ce sujet, c’est qu’on ne doit ni trop souvent sacrifier l’une à l’autre, ni jamais violer l’une ou l’autre d’une manière trop choquante. Le mépris de la justesse offensera la raison et le mépris de l’harmonie blessera l’organe ; l’une est un juge sévère qui pardonne difficilement, et l’autre un juge orgueilleux qu’il faut ménager. La réunion de la justesse et de l’harmonie, portées l’une et l’autre au suprême degré, était peut-être le talent supérieur de Démosthène : ce sont vraisemblablement ces deux qualités qui, dans les ouvrages de ce grand orateur, ont produit tant d’effet sur les Grecs, et même sur les Romains, tant que le grec a été une langue vivante et cultivée ; mais aujourd’hui, quelque satisfaction que ses harangues nous procurent encore par le fond des choses, il faut avouer, si on est de bonne foi, que la réputation de Démosthène est encore au-dessus du plaisir que nous fait sa lecture. […] Dans un éloge académique on a deux objets à peindre, la personne et l’auteur : l’une et l’autre se peindront par les faits. […] Cependant comme il n’est pas sans exemple de voir adopter par les académiciens des hommes d’un talent très faible, soit par faveur et malgré elle, soit autrement, c’est alors le devoir du secrétaire de se rendre pour ainsi dire médiateur entre sa compagnie et le public, en palliant ou excusant l’indulgence de l’une sans manquer de respect à l’autre, et même à la vérité.

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