Necker, et qui l’accueillit avec un mélange de cordialité et de malice : Je ne sais, Madame, écrivait Mme Necker à l’une de ses amies de Lausanne (novembre 1765), si je vous ai dit que j’ai vu Gibbon ; j’ai été sensible à ce plaisir au-delà de toute expression ; non qu’il me reste aucun sentiment pour un homme qui, je crois, n’en mérite guère, mais ma vanité féminine n’a jamais eu un triomphe plus complet et plus honnête. […] il sera sûr de s’amuser toute sa vie. » Si elle est un peu trop atteinte par le goût de l’esprit et de l’analyse, qui est la maladie du temps, elle s’en détache par une inspiration plus haute et qui domine les erreurs du goût : « L’instant présent et Chacun pour soi, voilà, dit-elle, les deux devises du siècle ; elles rentrent l’une dans l’autre. […] Forte de son exemple, des vertus et de la religion de toute sa vie, elle vient plaider pour l’indissolubilité du mariage ; elle ne conçoit pas qu’on livre ainsi une institution fondamentale à la merci des caprices humains et des attraits : Car le premier attrait de la jeunesse n’est, dit-elle, qu’un premier lien qui soutient deux plantes nouvellement rapprochées jusqu’à ce qu’ayant pris racine l’une à côté de l’autre, elles ne vivent plus que de la même substance. — Dans l’âge mûr, pense-t-elle délicatement, la femme qui doit plaire le plus est celle qui nous a consacré sa jeunesse.