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289. (1856) Cours familier de littérature. II « IXe entretien. Suite de l’aperçu préliminaire sur la prétendue décadence de la littérature française » pp. 161-216

Certes, personne plus que nous, quoi qu’on en ait dit, n’a moins confondu dans la révolution française l’erreur et la vérité, l’excès et la mesure, la justice et l’iniquité, l’héroïsme et le terrorisme ; personne n’a fait un plus sévère triage du sang et des vérités, des victimes et des bourreaux ; mais personne aussi ne s’est moins dissimulé la puissance de l’impulsion et la grandeur du but que l’idée française (puisqu’on l’appelle ainsi) portait en elle en commençant, en poursuivant, hélas ! […] Où la justice a-t-elle été plus faite de la moindre lâcheté de conscience, ou de la moindre goutte de sang livré par cette assemblée ? […] Vergniaud, le plus sublime lyrique d’éloquence qui ait jamais prophétisé sa propre mort et la mort de ses ennemis sur une tribune les pieds dans le sang ; orateur pathétique de la pitié, de la justice, de la modération, des remords, de la supplication à un peuple charmé mais sourd, chant du cygne de la littérature et de l’éloquence françaises expirantes, fait pour parler en présence de la mort, et à qui on ne peut supposer une autre tribune que l’échafaud. […] On épouvante le monde avec la peur, mais on ne le gouverne qu’avec la justice et la magnanimité  XXV Après cette terreur, il n’y eut plus de littérature, parce que la France avait tué ou proscrit tous ses poètes et tous ses écrivains, et parce qu’il n’y avait plus ni sang-froid, ni loisir, ni attention dans les âmes pour ce luxe de l’esprit qu’on appelle les lettres.

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