Il rendra ailleurs plus de justice aux observations quand il en dira « qu’elles sont l’histoire de la physique, et que les systèmes en sont la fable ». — Ainsi Montesquieu, à ses débuts, s’occupait de sciences comme le fera Buffon, comme Goethe le fera plus tard ; il fournissait les fonds d’un prix d’anatomie, et semblait ne viser qu’à des succès tout sérieux, d’accord avec la gravité de son état. […] L’idée de justice, indépendante en elle-même, y est exposée d’après les vrais principes de l’institution sociale. Montesquieu (car c’est lui ici qui parle, ainsi qu’il parlera en son nom jusqu’à la fin de sa vie), tâche d’y établir en quoi cette idée de justice ne dépend point des conventions humaines : « Et quand elle en dépendrait, ajoute-t-il, ce serait une vérité terrible qu’il faudrait se dérober à soi-même. » Montesquieu va plus loin : il tâche même de rendre cette idée et ce culte de justice indépendants de toute existence supérieure à l’homme ; il va jusqu’à dire, par la bouche d’Usbek : Quand il n’y aurait pas de Dieu, nous devrions toujours aimer la justice, c’est-à-dire faire nos efforts pour ressembler à cet Être dont nous avons une si belle idée, et qui, s’il existait, serait nécessairement juste. […] Je ne blâme point cet hommage rendu, en tout cas, à l’élévation et à l’idéalisation de la nature humaine ; mais je ne puis m’empêcher de remarquer que c’est prendre et accepter les idées de justice et de religion plutôt par le côté politique et social que virtuellement et en elles-mêmes13. […] Dans cette vue que je me suis permise sur la nature morale de Montesquieu, et à laquelle a donné jour sa définition de la justice dans les Lettres persanes, loin de moi l’idée de diminuer la beauté sévère et humaine du caractère !