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12. (1862) Cours familier de littérature. XIII « LXXVe entretien. Critique de l’Histoire des Girondins (6e partie) » pp. 129-176

Chaste au milieu des séductions de la beauté et de la jeunesse, pieuse et pure dans une cour légère, humble dans les grandeurs, patiente dans les cachots, fière devant le supplice, Madame Élisabeth laissa par sa vie et par sa mort un modèle d’innocence sur les marches du trône, un exemple à l’amitié, une admiration au monde, un opprobre éternel à la république. » Amnistier de tels crimes sous prétexte des nécessités révolutionnaires, ce serait déshonorer à jamais toutes les révolutions, car aucune révolution ne vaut le sang d’un juste ; et quand le juste est une femme, sans autre crime que son nom, sa beauté, son innocence, sa jeunesse, dont on a immolé toute la famille, l’histoire qui atténuerait l’horreur contre ce forfait serait pire que les bourreaux qui le commirent. […] Les autres à côté de lui n’étaient que des démagogues ; ils n’avaient ni pensées justes ni pensées fausses, ils n’avaient que des fureurs brutales. […] Je le dirais plus sévèrement peut-être aujourd’hui, parce que j’ai vu son ombre dans la rue en 1848 ; mais je ne le dirais pas plus juste. […] L’action est grande, et l’idée plane au-dessus de ses instruments comme une cause juste sur les horreurs du champ de bataille. […] C’est un enseignement propre à fausser le jugement de ce peuple et non à le moraliser ; c’est un mensonge à la postérité, qui a droit à aimer ou à abhorrer selon les œuvres ; c’est une offense à Dieu, dont vous faites mentir la justice dans votre bouche ; c’est un crime contre la conscience, dont vous étouffez la voix par un chant de triomphe, au lieu de lui livrer les justes à récompenser, les criminels à punir.

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