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673. (1861) La Fontaine et ses fables « Deuxième partie — Chapitre I. Les personnages »

Les plus fins d’entre eux ou les plus considérables s’inquiétaient déjà de la santé du roi ; ils se savaient bon gré de conserver tant de jugement parmi ce trouble, et n’en laissaient pas douter par la fréquence de leurs répétitions. — D’autres vraiment affligés ou de cabale frappée pleuraient amèrement ou se contenaient avec un effort aussi aisé à remarquer que les sanglots… Parmi ces diverses sortes d’affligés, peu ou point de propos ; de conversation, nulle ; quelque exclamation parfois répondue par une douleur voisine, un mot en un quart d’heure, des yeux sombres ou hagards, les mouvements des mains moins rares qu’involontaires, immobilité du reste presque entière. […] 50 Etant sorti du puits grâce au bouc, il le plaisante, fais sa caricature, le plaint de n’avoir pas « autant de jugement que de barbe au menton », et le laisse dans l’eau « en l’exhortant à la patience. » Mais il a tant d’esprit, qu’on l’admire, quoique vil et méchant, « Qui sait parler aux rois, dit La Bruyère, c’est peut-être où se terminent toute la prudence et toute la souplesse du courtisan. » Ce n’est rien que les louer ; il faut leur prouver qu’ils le méritent. […] Ainsi précédé et annoncé, le juge s’avance avec une majesté solennelle, et voici l’abrégé d’un jugement : Perrin fort gravement ouvre l’huître et la gruge,          Nos deux messieurs le regardent. […] De petites sentences bien tournées, des détails fins, agréables à la curiosité des délicats ou des érudits, ne composent ni un monde ni un jugement sur le monde, et c’est un monde avec un jugement sur le monde, que La Fontaine nous a donnés. […] Si le ciel t’eût, dit-il, donné par excellence Autant de jugement que de barbe au menton, Tu n’aurais pas à la légère Descendu dans ce puits.

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