Je ne concevrai jamais, je l’avoue, par quel procédé de l’esprit l’on peut arriver à donner à la moitié de ses facultés le droit de proscrire l’autre : et si l’organisation morale pouvait se peindre aux yeux par des images sensibles, je croirais devoir représenter l’homme employant toutes ses forces sous la direction de ses regards et de son jugement, plutôt que se servant d’un de ses bras pour enchaîner l’autre. […] Tout revient à l’intérêt, puisque tout revient à soi ; mais de même qu’on ne dirait pas : La gloire est de mon intérêt, l’héroïsme est de mon intérêt, le sacrifice de ma vie est de mon intérêt ; c’est tout à fait dégrader la vertu, que de dire seulement à l’homme qu’elle est de son intérêt, car si vous reconnaissez que ce doit être son premier motif pour être honnête, vous ne pouvez pas lui refuser quelque liberté dans le jugement de ce qui le concerne ; et il existe une foule de circonstances dans lesquelles il est impossible de ne pas croire que l’intérêt et la morale se contrarient. […] La morale doit être considérée dans l’homme, comme une inclination, comme une affection dont le principe est dans notre être, et que notre jugement doit diriger.