La difficulté, je le sens bien, n’est pas de faire admettre jusqu’à un certain point que Mme de Créqui, pour ses mérites d’esprit, pour le ferme et le fin de son jugement, est une manière de Mme de Sablé, le plus difficile à obtenir est qu’on accorde à M. de Meilhan de pouvoir être convenablement rapproché de La Rochefoucauld. […] Molé, dont le jugement excellent en toute matière était parfait dans ces choses littéraires qui touchent à la société, me disait un jour en parlant de M. de Meilhan : « Il a bien connu les mœurs de son temps, mais il en avait les vices. » J’ajouterai qu’il n’avait pas seulement les idées de son temps, il les dépassait souvent et les bravait par sa hardiesse d’esprit ; il devançait sur bien des points celles du nôtre. […] Mon plaisir a été grand d’y retrouver un Senac de Meilhan complet, avec toutes ses opinions et ses jugements sur les choses sérieuses. Le roman, qui est agréable, n’est que pour la forme ; tirons-en le fond, et quoique l’auteur, quand il l’écrivait, fût de quelques années plus âgé qu’en ses beaux jours d’éclat auprès du fauteuil de Mme de Créqui, soyons bien sûr qu’il avait déjà tous les mêmes jugements dans la tête et dans la conversation quand il désennuyait si bien la marquise.