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287. (1887) Journal des Goncourt. Tome I (1851-1861) « Année 1859 » pp. 265-300

Je n’attends rien et j’espère cependant quelque chose d’impossible, un transport, je ne sais comment, loin des milieux où je vis, loin des journaux annonçant ou n’annonçant pas le passage du Tessin par les Autrichiens, loin de mon moi, contemporain, littéraire et parisien, un transport qui me jetterait dans une campagne couleur de rose, semblable à la Folie de Fragonard, gravée par Janinet, — et où la vie ne m’embêterait pas. […] Au fond de nous, la pensée de dépouiller notre qualité de Français, d’aller à l’étranger recommencer la Hollande libre parleuse des xviie et xviiie  siècles, de faire un journal contre ce qui est, de s’ouvrir, de briser le sceau sur sa bouche, de répandre ses dégoûts dans un cri de colère… Il y a depuis un mois une veine de malheur sur nous. […] Notre pièce, annoncée par les journaux comme reçue, est au panier. […] Mais dans sa conversation, pas un atome qui ne soit terrestre, parisien, et de petit journal. […] Et nous, qui lisons, tous les soirs, le journal Le Soir, n’avons songé, ni l’un ni l’autre, à regarder ce qu’avait fait la Bourse.

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