Plus que le livre, la feuille périodique (journal, revue) ou encore l’écrit de peu de pages (brochure, pamphlet) a subi des restrictions sévères et durables. […] L’article de journal et le livre sont fatalement en concurrence. […] Mais en même temps que la verve des écrivains est invitée à se renfermer dans des limites plus restreintes, elle est stimulée par la possibilité d’atteindre, au moyen du journal même, un public plus vaste, de monnayer leur talent à la journée, d’obtenir une rémunération immédiate et plus forte. […] Comme en pareil cas, les sujets politiques et religieux sont d’ordinaire ceux qu’on lui interdit (on l’a vu sous le premier Empire et sous le second), le livre reprend faveur, parce qu’il est seul admis à traiter certaines questions graves, et le journal pour remplir ses colonnes recourt à cette causerie sur les faits du jour qu’on nomme la chronique, au récit des crimes et des accidents, aux commérages de salon ou de coulisses, aux descriptions de cérémonies, aux feuilletons ; il se fait de la sorte plus littéraire, à condition de se maintenir dans ce que des mécontents ont baptisé dédaigneusement « la littérature facile » ; ou encore il invente, pour toucher aux matières brûlantes, une série d’allusions, de périphrases, de réticences, de malices sournoises qui passent, comme des pointes d’aiguille, à travers les mailles du réseau où la loi s’efforce de l’emprisonner. […] Pouvant s’adresser directement à un grand nombre de personnes, plus vivante, plus immédiate dans ses effets que l’article de journal, elle a été la dernière à triompher de la peur qu’elle inspire.