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319. (1860) Cours familier de littérature. IX « LIe entretien. Les salons littéraires. Souvenirs de madame Récamier. — Correspondance de Chateaubriand (3e partie) » pp. 161-240

Cette dame, me disait-il, est un des ressorts dont je me sers pour faire jouer mes personnages à Paris ; et, tandis que cette femme vertueuse l’attendait dans sa cellule de l’Abbaye-aux-Bois, il ramenait de Londres à Paris une autre négociatrice, et il voulait même la conduire au congrès de Vérone. […] Comme le carnaval est long cette année, il est possible que le tout soit appris, monté et joué dans la saison de la foule et des plaisirs de l’hiver. » On voit qu’après avoir employé son amie à son ambition pendant qu’il était à Londres il l’utilise maintenant pour ses dernières tentatives de gloire pendant qu’il est à Rome. […] On verrait un pauvre songe-creux qui ne pense d’abord qu’à vous, qui n’a ensuite dans la tête que de se retirer dans quelque trou pour finir ses jours, et qui s’occupe si peu de politique qu’il pleure Moïse qu’on ne jouera pas. […] Cette nuit nous avons eu du vent et de la pluie comme en France ; je me figurais qu’ils battaient votre petite fenêtre, je me trouvais transporté dans votre petite chambre ; je voyais votre harpe, votre piano, vos oiseaux ; vous me jouiez mon air favori ou celui de Shakespeare ; et j’étais à Rome, loin de vous, dans un grand palais ; quatre cents lieues et les Alpes nous séparaient ! […] Le prince Louis-Napoléon, rapporté par le reflux d’une orageuse liberté qui a eu lâchement peur d’elle-même, règne sur le pays qui s’était confié à son nom, nom qui est devenu, depuis Marengo jusqu’à Waterloo, le dé de la fortune avec lequel les soldats des Gaules jouent sur leur tambour le sort du monde la veille des batailles !

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