De même encore, on avait montré l’effort des hommes pour augmenter leurs joies vainement orienté vers ce but irréel. […] Mais il n’imagine cet état heureux et parfait qu’en attribuant à ce qui est privé de mouvement, à ce qu’il formule éternellement semblable à soi-même, les propriétés et les passions de ce qui est en mouvement incessant sous l’aiguillon d’un désir inassouvi et qui ne se peut procurer de la joie que par l’intermédiaire de la douleur et de la privation. […] II Pour l’ordinaire, les hommes ne parviennent pas à cette attitude sereine où la joie du spectacle qu’ils ont institué leur compense les angoisses où parfois ils se débattent comme acteurs. […] Par là donc est assuré l’intérêt d’un spectacle dont la cruauté même se trouve justifiée par la joie du spectateur qui se repaît de sa vue. […] Ce vœu de l’existence se voit donc réalisé d’une façon concrète et saisissable selon deux modes dans l’humanité : sous son aspect le plus haut et le plus dramatique, ainsi qu’on l’a déjà montré, avec le héros qui, parvenu à l’émotion esthétique, se reconnaît le propre créateur de la suggestion qui lui fit accomplir sa destinée, sous un autre aspect moins mystique, avec le savant qui, désintéressé des applications déduites par les autres hommes de ses découvertes, fait sa joie du seul fait de connaître, du seul spectacle de toutes les choses créées par l’activité objective de l’être.