Tu auras été ivre de sécurité et de joie en voyant cette république, qui se craignait elle-même, abolir courageusement la peine de mort le lendemain de son avènement imprévu, de peur d’abuser jamais des armes que tous les régimes s’étaient transmises jusque-là les uns aux autres pour immoler leurs ennemis ; tu auras frémi d’espérance en voyant cette démocratie philosophique déclarer la paix au monde étonné ; tu auras eu le délire de l’admiration en voyant quelques citoyens obéis par le peuple et pressés par d’innombrables prétoriens de la multitude de perpétuer leur dictature ; tu les auras vus, au contraire, appeler la nation entière à se lever debout dans ses comices afin de remettre plus vite cette dictature à la nation représentant cette légitimité des interrègnes ; et quand la nation, relevée par la main de ces hommes de sauvetage, aura repris son aplomb et son sang-froid, tu n’auras eu pour ces citoyens, victimes émissaires de leur dévouement, que des calomnies, des mépris, des outrages, des abandons, pour décourager les abnégations futures, et pour montrer à l’avenir qu’on ne sauve sa patrie qu’à la condition de se perdre soi-même : mauvais exemple qui ne profitera pas à la nation.