/ 2128
890. (1896) Journal des Goncourt. Tome IX (1892-1895 et index général) « Année 1892 » pp. 3-94

C’est un roman (L’Atelier Chantorel) où sous un nom supposé, il raconte son enfance, sa jeunesse, son passage à l’École des Beaux-Arts, son apprentissage du métier d’architecte ; et l’intéressant bouquin est presque, tout le temps, soutenu par de la vie vécue. […] » Et l’Anglais demeurait au diable de Crystal Palace, près duquel gîtait Carrière, qui répondait imperturbablement : « Oh, je prendrai un cab à la petite place de voitures, qui est à côté. » Et il revenait à pied, et rentrait chez lui, tant c’était loin, à quatre heures du matin… « Ce qui m’a sauvé, jette-t-il, en manière de péroraison, c’est qu’il y avait chez moi, dans ma jeunesse, beaucoup d’animalité, de force animale. » Il me confessait qu’à Londres, il avait eu, tout le temps, un sentiment d’effroi du silence des foules. […] Il parle du raté, disant toujours nous ; des poètes d’à présent, qu’il trouve plus près du piano que de la pensée ; de la jeunesse littéraire, portant dans la vie, la figure d’un petit débitant, dont le commerce ne va pas. […] Et mes yeux ont gardé de ma chère parente, le souvenir de loin, comme dit le peuple, le souvenir de ses cheveux bouffant en nimbe, de son front bombé et nacré, de ses yeux profonds et vagues dans leur cernure, de ses traits à fines arêtes, auxquels la phtisie fit garder, toute sa vie, la minceur de la jeunesse, du néant de sa poitrine dans l’étoffe qui l’enveloppait, en flottant, des lignes austères de son corps ; — enfin de sa beauté spirituelle, que, dans mon roman, j’ai battue et brouillée avec la beauté psychique de Mme Berthelot. […] Dimanche 4 septembre Jean Lorrain vient déjeuner, ce matin, à la maison ; et confiant en moi, il se répand sur sa jeunesse.

/ 2128