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591. (1892) Journal des Goncourt. Tome VI (1878-1884) « Année 1880 » pp. 100-128

Il part pour son pays, cette fois, travaillé par un sentiment assez étrange d’incertitude, sentiment, dit-il, qu’il a éprouvé dans sa première jeunesse, en une traversée de la Baltique, où le bâtiment était complètement entouré de brouillard, et où il n’eut pour compagnon, qu’une singesse, enchaînée sur le pont. […] » Ce matin, Pouchet m’entraîne dans une allée écartée, et me dit : « Il n’est pas mort d’un coup de sang, il est mort d’une attaque d’épilepsie… Dans sa jeunesse, oui, vous le savez, il avait eu des attaques… Le voyage d’Orient l’avait, pour ainsi dire, guéri… Il a été seize ans, sans plus en avoir… mais les ennuis des affaires de sa nièce, lui en ont redonné… et samedi, il est mort d’une attaque d’épilepsie congestive… oui avec tous les symptômes, avec de l’écume à la bouche… Tenez, sa nièce désirait qu’on moulât sa main… on ne l’a pas pu… elle avait gardé une si terrible contracture… Peut-être, si j’avais été là, en le faisant respirer une demi-heure, j’aurais pu le sauver… » Ça été tout de même une sacrée impression d’entrer dans le cabinet du mort… son mouchoir sur la table, à côté de ses papiers, sa pipette avec sa cendre sur la cheminée, le volume de Corneille, dont il avait lu des passages la veille, mal repoussé sur les rayons de la bibliothèque. […] * * * — La gravité de la vie présente a fait à l’homme une jeunesse sérieuse, réfléchie, mélancolique.

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