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459. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Tallemant et Bussy ou le médisant bourgeois et le médisant de qualité » pp. 172-188

madame, il ne tient qu’à vous que je ne passe pour être le plus honnête homme de France. » — Le marquis de Sévigné de même, qui laissait sa charmante femme pour Ninon, était persuadé « qu’on ne peut être honnête homme sans être toujours amoureux. » Ce qu’on voyait pendant les hivers, ce n’étaient donc pas seulement les distractions bruyantes et faciles de toute jeunesse guerrière, c’était une rare émulation chez quelques-uns qui se piquaient d’honnêteté, et des gageures de cette sorte : « Le duc de Candale, qui était l’homme de la Cour le mieux fait, crut qu’il ne manquait rien à sa réputation que d’être aimé de la plus belle femme du royaume ; il résolut donc à l’armée, trois mois après la campagne, d’être amoureux d’elle (Mme d’Olonne) sitôt qu’il la verrait, et fit voir, par une grande passion qu’il eut ensuite pour elle, qu’elles ne sont pas toujours des coups du ciel et de la fortune. » On s’embarquait de parti pris avec quelqu’un, avec quelqu’une, pour se faire honneur dans le monde, pour faire parler de soi, et « parce que les femmes donnaient de l’estime aussi bien que les armes ». […] Du même âge que Bussy (Tallemant est né vers 1619 et Bussy en 1618), fils d’un riche financier, nourri dans l’opulence et la jovialité bourgeoises, il nous a tenus au courant de ses belles passions de jeunesse, il a fait aussi son histoire amoureuse, mais que le ton est différent ! […] il ne peut faire longtemps ce rôle : « Tout cela ne m’empêcha pas de me bien divertir en Italie, tant c’est belle chose que jeunesse. » Le père de Tallemant aurait voulu faire de lui un conseiller au Parlement de Paris ; le jeune homme ne se sentait pas de vocation à devenir un magistrat.

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