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402. (1865) Cours familier de littérature. XIX « CXIe entretien. Mémoires du cardinal Consalvi, ministre du pape Pie VII, par M. Crétineau-Joly (3e partie) » pp. 161-219

On peut même entrevoir, d’après un passage de ses mémoires relatifs à son affection intime pour les familles Patrizzi et Giustiniani, dans sa jeunesse, que la mort prématurée d’une jeune princesse de dix-huit ans, à la main de laquelle il aurait pu peut-être prétendre, et dont l’amitié lui laissa d’éternels regrets, fut un coup déchirant porté à son cœur. […] Quand je le connus, il touchait à la vieillesse ; mais cette vieillesse avait toute la grâce même de la jeunesse, la douceur, la sérénité, l’accueil souriant des belles années. […] Les longs rapports qu’il avait eus dès sa jeunesse avec les hommes d’État de tous les gouvernements, à commencer par le prince régent, avec Canning, Stuart, Castlereagh, en Angleterre ; Talleyrand, Fouché, Napoléon, en France ; Gentz, Hiebluer, dans le Nord ; l’empereur Alexandre, de Maistre, en Russie ; Capo d’Istria, en Grèce ; Cimarosa, à Naples, le grand musicien, ami et successeur de Mozart, prédécesseur de Rossini ; Pozzo di Borgo, Decazes, sous la restauration ; Matthieu de Montmorency, le duc de Laval, Chateaubriand, Marcellus, dans l’ambassade de France à Rome ; Metternich et son école, en Autriche ; Hardenberg, en Prusse : lui avaient enseigné que le vrai christianisme se compose, sans acception, de ces idées générales qui, sans se formaliser pour ou contre tel ou tel dogme, généralisent le bien, la civilisation, la paix sous un nom commun, et font marcher le monde pacifié non dans l’étroit sentier des sectes, mais dans la large et libre voie du progrès incontesté sous toutes ces dénominations. […] XV Sa vie privée, depuis sa plus tendre jeunesse jusqu’à sa mort, fut l’exemple de la plus touchante et de la plus constante amitié. […] J’y allais presque tous les jours ; c’est ainsi que j’ai pu le connaître et l’aimer ; sa bonté pour moi était si grande que, bien que l’étiquette diplomatique pour les dîners du jeudi saint chez le Pape n’autorisât pour ces invitations que les souverains et les ministres étrangers, il fit une exception en ma faveur, et il m’invita, malgré ma jeunesse et mon rang secondaire, à dîner avec le vice-roi de Naples Ferdinand et la duchesse de Floridia, son épouse, à ce banquet de têtes couronnées ou augustes. « Les écrivains, répondit-il à mon modeste refus de cette faveur, n’ont point de rangs que ceux que l’opinion leur donne.

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