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23. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Chateaubriand homme d’État et politique. » pp. 539-564

Je ne dirai plus les amours et les songes séduisants des hommes : il faut quitter la lyre avec la jeunesse. » Cette jeunesse, qui s’enfuyait en effet, bien qu’elle dût avoir encore tant de retours, laissait M. de Chateaubriand au milieu de la vie avec un talent puissant, une ardeur dévorante, une ambition qui ne savait où chercher son objet. […] Dans ses Mémoires, le chapitre par lequel il entame sa vie politique et qu’il intitule « De Bonaparte », débute également par une page qui va rejoindre la dernière invocation de ce poème des Martyrs : « La jeunesse est une chose charmante ; elle part au commencement de la vie, couronnée de fleurs, comme la flotte athénienne pour aller conquérir la Sicile… » Et le poète conclut que, quand la jeunesse est passée avec ses désirs et ses songes, il faut bien, en désespoir de cause, se rabattre à la terre et en venir à la triste réalité. […] Mais, dans tous les cas, c’est toujours parce que la jeunesse n’est plus là, que le poète veut bien s’occuper de nous, de la terre et de la matière humaine gouvernable. […] Il reste à savoir si, quand on ressent si vivement le regret idéal du passé et de la jeunesse, on n’en a pas des retours, des revenez-y plus vifs qu’il ne faudrait, et qui dérangent à tout moment l’exacte prudence et l’attention qu’exigerait le maniement des grands intérêts humains. […] il se tournait du côté de cette génération et de cette jeunesse, et s’offrait de la conduire lui-même à l’assaut.

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