Pourquoi les cent voix populaires de la France répètent-elles, à la suite de ses jeunes publicistes, le cri d’extermination contre l’Autriche ? C’est d’abord parce que ces publicistes sont jeunes, et qu’ils n’ont pas encore réfléchi à ce qu’ils proclament ; c’est ensuite parce que le vieil écho des casernes impériales du premier empire n’a pas eu le temps d’apprendre un autre mot que celui de guerre à l’Autriche depuis Leipzig jusqu’à Fontainebleau ; c’est enfin parce que deux grandes questions diplomatiques, l’Orient et l’Italie, se sont malheureusement interposées entre la France et l’Autriche depuis les traités de Vienne, et que ces deux questions, l’Italie surtout, devaient, tant qu’elles n’étaient pas tranchées, empêcher la France et l’Autriche de se reconnaître et de s’allier. […] Devions-nous au roi de Piémont le droit impuni d’aller, à la tête d’une armée royale, poursuivre, assièger, bombarder dans son dernier asile, à Gaëte, un jeune roi à qui sa jeunesse, innocente du despotisme de son père, n’avait pas même permis de commettre des fautes qui motivent l’animadversion d’un ennemi ou le jugement d’un peuple ? Ce droit des boulets et des bombes sur la tête des rois, des femmes, des enfants, des jeunes princesses d’une maison royale avec laquelle on n’est pas en guerre, est-il devenu le droit des rois contre les rois de la même famille ? […] XXIII Ainsi encore, qu’un jeune roi de Naples, à peine échappé à la tutelle ombrageuse de son père, élevé, dans la solitude royale de Caserte, à cultiver un jardin royal pour toute instruction politique, monte, encore enfant, sur le trône et s’y tienne à tâtons pendant un orage ; qu’ensuite il jette une constitution hasardée à ses peuples pour apaiser l’insurrection de Sicile, comme on jette un à un ses vêtements royaux derrière soi pour retarder la poursuite de la révolution pendant qu’elle les ramasse ; Qu’il décompose lui-même son armée par les conseils de ministres incapables ou perfides ; Que ses oncles même abandonnent ce malheureux neveu pour aller se joindre à ses ennemis ; Qu’il sorte de sa capitale pour en écarter les bombes et les obus des Piémontais ; qu’il reprenne courage dans l’honneur et dans le désespoir ; qu’il s’abrite avec ses derniers défenseurs, avec sa mère, ses frères, ses jeunes sœurs, dans une ville de guerre pour tomber au moins avec la majesté, le courage du soldat, sur le dernier morceau de rocher de sa patrie ; et que le Piémont, étranger à cette question entre les Napolitains et leur jeune roi, avec lequel le patriotisme et la liberté les réconciliaient, entre, sans querelles, sans déclaration de guerre, avec ses armées dans le royaume, et vienne, auxiliaire de l’expulsion, écraser de ses boulets les casemates de Gaëte devenues le dernier palais d’un dernier Bourbon : quel droit peut alléguer contre son parent innocent le roi de Piémont, pour s’emparer du trône démoli par ses canons ?