C’est dommage que ce ne soit un de nos petits Messieurs (sans doute les jeunes princes de Vendôme) qui fût en état de faire son apprentissage sous le grand Sobieski et cette campagne à ma place. […] Pour réparer son échec de Pologne, il prend le parti de s’attacher entièrement aux jeunes princes de Vendôme, et s’insinue si bien par son esprit, qu’il devient le maître absolu de leurs affaires, l’intendant et l’arbitre de leurs plaisirs. Ces jeunes princes, qui avaient en eux le sang de Henri IV et de Gabrielle d’Estrées, en combinaient les qualités et les vices au plus haut degré. […] Le marquis de La Fare, né en 1644, c’est-à-dire plus jeune que Chaulieu de cinq ans, était entré de bonne heure au service ; il y avait débuté avec toutes sortes d’avantages : Ma figure, qui n’était pas déplaisante, dit-il, quoique je ne fusse pas du premier ordre des gens bien faits, mes manières, mon humeur, et mon esprit qui était doux, faisaient un tout qui plaisait assez au monde, et peu de gens, en y entrant, ont été mieux reçus… Voilà comment les honnêtes gens autrefois s’exprimaient en parlant d’eux-mêmes, sans se trop glorifier et sans se déprécier non plus, ce qui est une autre forme de vanité. […] C’est ainsi que la débauche, il faut le dire, et la paresse encore plus que l’âge, avaient métamorphosé cet épicurien trop pratique, cet homme d’ailleurs d’un esprit si fin, d’un jugement si excellent, qui avait combattu brillamment auprès de Condé à Seneffe, et qui, jeune, avait mérité la confiance de Turenne.