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580. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Le maréchal de Villars — I » pp. 39-56

En 1672, le jeune Villars accompagna le roi dans sa conquête de la Hollande, fut des premiers dans une pointe qui se fit jusque dans les barrières de Maastricht, des premiers à la tranchée devant Doesbourg, se trouva au passage du Rhin, et se jeta, toujours des premiers, dans le fleuve. […] à plus forte raison à des officiers, qui ne doivent pas quitter leurs troupes, et moins encore des troupes de cavalerie. » — « J’ai cru, lui répondit Villars, que Votre Majesté me pardonnerait de vouloir apprendre le métier, de l’infanterie, surtout quand la cavalerie n’a rien à faire. » C’est encore à ce siège, et pour une autre action de Villars, que le roi dit de lui : « Il semble, dès que l’on tire en quelque endroit, que ce petit garçon sorte de terre pour s’y trouver. » Le maréchal de Bellefonds, ne pouvant aider son jeune parent que de ses conseils, lui donna du moins celui-ci, dont Villars profita : c’était d’apprendre le métier de partisan, et d’aller souvent faire des partis avec ceux qui passaient pour entendre le mieux ce genre d’entreprise ; car, faute d’avoir ainsi pratiqué le détail de la guerre, et de cette guerre légère de harcèlement et d’escarmouches, bien des officiers généraux, quoique braves, se trouvent ensuite fort embarrassés quand ils commandent des corps détachés dans le voisinage d’une armée ennemie. […] Le jeune Villars, qui se tenait le plus près possible, ne put s’empêcher de s’écrier, de manière à être entendu de lui : « Voilà la chose du monde que j’avais le plus désiré de voir, le grand Condé l’épée à la main !  […] Le maréchal reçut l’avis assez vertement ; mais peu après, rappelant Villars, il lui dit avec amitié : « Quand une place comme Maastricht est secourue sans bataille, le général doit être content, et, pour satisfaire un jeune colonel avide d’actions, il faut lui donner un parti de cinq cents chevaux. […] Le mérite de Villars et le trait dominant de son tempérament militaire fut de rester jeune de cœur et entier de zèle pendant ces ennuis et ces retardements, qui en eussent usé ou fatigué d’autres ; et il se trouva le plus entreprenant des maréchaux, à cinquante ans, c’est tout simple, et à soixante, ce qui est plus rare, — j’allais dire, et à quatre-vingts —, car il garda jusqu’à l’extrême vieillesse, et quand il prenait Milan en 1734, la vivacité de son feu et de son allure.

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