/ 2421
361. (1861) Cours familier de littérature. XII « LXIXe entretien. Tacite (2e partie) » pp. 105-184

Le vieux roi de Rome, Tarquin, avait consacré ce temple pour obtenir la protection des Dieux dans la guerre contre les Sabins ; il en avait jeté les fondements, plutôt dans la vue de notre future grandeur, que dans les proportions encore si modiques du peuple romain ; ensuite Servius Tullius, avec le concours de nos alliés, et Tarquin le Superbe, avec les dépouilles de Suessa, avaient construit ses murailles ; mais la gloire d’élever ce chef-d’œuvre était réservée à la liberté. » XXI Les Vitelliens, vainqueurs au Capitole, égorgent les partisans de Vespasien, surpris dans le temple. […] « Si un des deux partis venait à plier, si les vaincus se cachaient dans les boutiques, ou se glissaient dans quelques maisons, la populace s’ameutait pour qu’on les jetât dehors et qu’on les égorgeât, afin de s’emparer de leurs dépouilles ; car, tandis que le soldat s’acharnait à tuer, le bas peuple s’acharnait au pillage. » XXII « Horrible et difforme était l’aspect de la ville : ici des meurtres et des blessures ; là des tavernes et des bains ; ici des ruisseaux de sang et des monceaux de cadavres ; là des courtisanes et des hommes prostitués comme elles ; tout ce qu’il y a de débauches dans la riche oisiveté de la paix, tout ce qu’il y a de forfaits dans la plus implacable victoire ; en sorte que vous eussiez cru voir la même ville se déchirer et se débaucher à la fois. » XXIII « Déjà, dans deux circonstances, sous Sylla et sous Cinna, des armées s’étaient combattues dans les murs de Rome ; il n’y avait pas eu alors moins d’acharnement, mais il y avait cette fois une plus inhumaine insouciance, tellement que les plaisirs mêmes n’y furent pas interrompus un seul instant. […] Agrippine, muette, et par ce silence même méconnue, ne reçoit qu’une blessure à l’épaule, et, nageant vers la côte au-devant de petites barques qui la recueillirent, est conduite dans le lac Lucrin, d’où elle se fait reporter à sa maison de campagne. » XLII « Là, repassant dans son esprit les lettres astucieuses qui l’ont attirée, les honneurs que lui a prodigués l’empereur, la proximité du rivage, la submersion sans cause du navire, qui n’a été ni incliné par aucun vent, ni jeté sur aucun écueil, mais qui s’est écroulé par le pont comme par une machination préparée à terre ; remarquant de plus le meurtre d’Acéronia et s’apercevant de sa propre blessure, elle conclut que le seul moyen pour elle d’échapper à l’embûche est de paraître ne l’avoir pas soupçonnée. […] Voyez le délire de l’amour de Néron pour Poppée, et ces soupçons d’inceste jetés dans l’ombre pour préparer l’esprit du lecteur à tous les genres de forfaits. […] LVIII Enfin, voyez ces funérailles précipitées, ce lit de festin changé en bûcher funèbre ; cette pincée de cendre, qui fut tout à l’heure Agrippine, laissée sur la place, au vent et à la pluie, sans que la terreur des assassins y jette seulement un peu de terre.

/ 2421