La première différence que l’être animé saisisse, c’est celle du malaise et de l’aise ; le premier éveil de l’intelligence, c’est la douleur. […] Inutile de faire intervenir ici des « idées pures » ou des « actes purs » de l’intelligence : le premier animal venu sent fort bien ce qu’il y a de nouveau quand la dent d’un ennemi pénètre dans ses chairs, les meurtrit, les écrase. […] Le tort de Platon et de ses modernes sectateurs est de rechercher l’élément supérieur à la matière, soit dans des objets intelligibles, soit dans des rapports intelligibles, au lieu de le chercher dans l’intelligence seule, dans la conscience : la psychologie moderne, encore un fois, aboutit à cette conclusion que tout objet proprement dit est sensible et que tout rapport d’objets est pour nous sensitif, réductible dans la conscience à un mode complexe de sentir et de faire effort. […] C’est l’oubli de cet élément qui rend inexplicable à la fois pour l’intellectualisme et le sensualisme l’acte par excellence de la pensée, l’apport propre de l’intelligence : l’affirmation.