Les considérer seulement comme un moyen de culture intellectuelle et d’éducation, c’est, à mon sens, leur enlever leur dignité véritable. […] Si les nations modernes pouvaient trouver en elles-mêmes un levain intellectuel suffisant, une source vive et première d’inspirations originales, il faudrait bien se garder de troubler par le mélange de l’antique cette veine de production nouvelle. […] Fixée d’ordinaire dans une littérature antique, dépositaire des traditions religieuses et nationales, elle reste le partage des savants, la langue des choses de l’esprit, et il faut d’ordinaire des siècles avant que l’idiome moderne ose à son tour sortir de la vie vulgaire, pour se risquer dans l’ordre des choses intellectuelles. […] C’est un fait encore que, chez les nations peu avancées, tout l’ordre intellectuel est confié à cette langue, et que, chez les peuples où une activité intellectuelle plus énergique s’est créé un nouvel instrument mieux adapté à ses besoins, la langue antique conserve un rôle grave et religieux, celui de faire l’éducation de la pensée et de l’initier aux choses de l’esprit. […] Sans cette opération nécessaire, la langue vulgaire reste toujours ce qu’elle fut à l’origine, un jargon populaire, né de l’incapacité de synthèse et inapplicable aux choses intellectuelles.