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1108. (1890) Les princes de la jeune critique pp. -299

Autant lui demander de n’être ni homme ni citoyen, de se ravaler au rang de ces êtres neutres qui ne pensent pas et qui ne comptent pas dans la vie intellectuelle d’une nation ! […] Il faut qu’il ait en outre le coup d’œil sûr, le bras solide, la connaissance des écueils et des courants, l’adresse et la science d’un marin consommé ; et voilà comme aux qualités morales dont il ne peut se passer viennent s’ajouter des qualités intellectuelles dont il a un égal besoin. […] Anatole France les grandes lignes de sa constitution intellectuelle et morale. […] Mais d’une part il regarde un livre comme le produit naturel et nécessaire de certains états d’âme, comme un ensemble de qualités et de défauts invinciblement liés, et il estime que, l’auteur n’ayant pu faire autrement, il n’y a guère lieu de l’approuver ou de le blâmer ; d’autre part, il voit aussi dans le livre, non pas seulement une source de jouissances artistiques, mais un foyer qui rayonne des idées et des sentiments et qui produit à son tour chez les lecteurs certains états d’âme, préludes de certaines actions ; il ne peut donc traiter légèrement ce ferment de vie intellectuelle et morale, cet initiateur de la jeunesse, cet éducateur des cœurs et des esprits à venir. […] En somme, une méthode qui consiste à étudier d’après soi-même les tendances intellectuelles et morales de toute une génération vaut exactement ce que vaut celui qui l’emploie.

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