Il existe une sorte de douceur sévère et très-profitable pour l’âme à être méconnu : ama nesciri ; c’est le contraire du digito monstrari, et dicier Hic est ; c’est quelque chose d’aussi réel et de plus profond, de moins poétique, de moins oratoire et de plus sage, un sentiment continu, une mesure intérieure et silencieusement présente du poids des circonstances, de la difficulté des choses, de l’aide infidèle des hommes, et de notre propre énergie au sein de tant d’infirmité, une appréciation déterminée, durable, réduite à elle-même, dégagée des échos imaginaires et des lueurs de l’ivresse, et qui nous inculque dans sa monotonie de rares et mémorables pensées. […] Nous n’insisterons pas davantage sur cette longue trace d’ennuis, de gênes, de désappointements monotones qui composent l’intérieur mystérieux de cette grave destinée ; nous n’en voulons plus montrer que les fruits. […] Charles Nodier a débuté par des romans passionnés et déchirants, lambeaux arrachés d’un cœur tout vulnérable ; mais, à la différence d’Oberman, l’auteur du Peintre de Saltzbourgne s’est pas replié obstinément dans la vie intérieure.