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536. (1895) Histoire de la littérature française « Quatrième partie. Le dix-septième siècle — Livre II. La première génération des grands classiques — Chapitre II. Corneille »

L’intrigue pour l’intrigue, le fait pour le fait, le pur intérêt de curiosité, de surprise, enfin la conception mélodramatique du théâtre n’existe pas dans Corneille, quoi qu’on en dise : il est rigoureusement vrai que l’intrigue est chez lui occasion, soutien, ou effet du mécanisme psychologique. […] Ensuite, parce que, de son temps du moins, la fortune des hommes illustres intéressait le public plus que celle des bourgeois, et fournissait des causes plus adéquates à la grandeur des passions ; et puis, aussi, parce qu’en somme les intérêts historiques donnent aux passions une base plus universellement intelligible que les intérêts professionnels ou financiers, d’où sortent les passions bourgeoises. […] Ce qu’il aime, ce sont les demi-teintes, les demi-sentiments, les affections simples et domestiques, les inclinations paisibles ou contenues, où entre autant de connaissance que de passion ; ou bien les caractères renfermés et compliqués, parfois les âmes égoïstes et médiocres : des amours de vieillards319, profonds, discrets, point du tout ridicules ; des amitiés de frères320, confiantes et fortes, contre qui l’ambition même et l’amour ne prévalent pas ; des affections de cour, composées d’intérêt ou d’amour-propre, mais aussi de goût sérieux et sincère321 chez d’honnêtes gens qui ont de la raison et de l’expérience ; des intrigues de ministres ambitieux, de courtisans retors, de fonctionnaires égoïstes, toute la mécanique des cours et des cabinets de princes322.

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