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1600. (1880) Goethe et Diderot « Diderot »

Le manque de lucidité dans la distribution des œuvres de Diderot, qui en étaient déjà à leur dixième volume quand nous écrivions ceci, ajoute un labeur nouveau à la rude besogne de la Critique, obligée de lire et déjuger, à un siècle de distance, des livres sans valeur absolue, écrits dans un intérêt de parti ou d’idées qui n’existe plus que par le terrible souvenir du mal que ces livres ont fait. […] Ce sont tous des utilitaires, des briseurs d’images, des iconoclastes, qui se serviront de toutes les formes de la pensée dans l’intérêt de leur métaphysique impie. […] y a débagoulés de cette plume qui ressemblait à une voix de chantre… Ce fatras ennuyeux, plus parlé qu’écrit, d’une érudition incertaine, confuse et haletante, est absolument sans intérêt pour qui a lu Diderot chez lui, c’est-à-dire dans ses livres personnels et réfléchis, si l’on peut dire que cet homme, qui se répandait comme un tonneau défoncé, ait réfléchi jamais. […] Mais on pourrait, sans exigence, demander à Diderot, dans ses lettres à mademoiselle Volland, de l’amour d’abord, de la passion éloquente et vraie, puisqu’il se vante d’en avoir et qu’après tout l’imagination ne manquait pas à cet homme d’images, ni la chaleur d’entrailles à cet enthousiaste si facilement inspiré… Et puisque aussi la Correspondance n’embrasse pas que les intérêts de son cœur, mais s’élargit autour des intérêts de son esprit, on pourrait lui demander encore, dans ses lettres, tout ce que son genre d’esprit avait à nous donner, et nous a donné parfois ailleurs, à cet homme qu’on appelait et qui s’appelait lui-même si fastueusement : « le philosophe », à cet inventeur qui avait écrit des romans et des drames, qui se targuait d’avoir des idées et qui se croyait le plus puissant des observateurs !

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