/ 1503
991. (1902) Symbolistes et décadents pp. 7-402

Parmi ceux qui croient que la réalité subsiste surtout dans les rêves, peut-être uniquement dans les rêves, et que les choses et les êtres seraient création nulle et tout au plus mauvaise sans un large instinct de solidarité, M.  […] Mais tout cela n’est point le repos ; l’instinct de la connaissance ne trouve pas sa pâture, et la vie corporelle, non satisfaite, s’use en phénomènes d’extase. […] Les rapprochements entre Tolstoï et Dostoiewski qui s’imposent à propos de la Puissance des Ténèbres et de Crime et Châtiment seraient nombreux ; c’est en tous leurs personnages cette troublante recherche de la conscience, au fond du moi ; Bolkonsky, Besukow, Raskolnikoff, etc., cherchent leur être intime et le trouvent difficilement, au milieu des influences étrangères, du spleen natal, et comme inhérent à leur être ; leurs instincts de charité et de résignation luttent avec leurs instincts de domination ; mais chez Tolstoï, cerveau plus élevé et calme, cette recherche d’un bonheur rationnel, d’une simplicité conciliable avec la finalité de la vie humaine et la dignité de l’homme enfantent d’amples et larges fresques, livres d’une émotion surtout cérébrale, et des livres de pure théorie. […] Toute réforme ne pourra s’établir que sur de complètes bases scientifiques, et c’est ce qui manque aux livres du comte Tolstoï, mais ils offrent du mal d’émouvants tableaux ; son instinct d’artiste éminent lui a bien indiqué le mal social et ses phases délicates, et c’est d’un très bel instinct de réformateur qu’émanent ses vues. […] Ibsen, plus nettement moraliste, aurait-il eu l’influence qu’il a acquise si la formule de son drame, si ses savantes simplifications n’avaient pas intéressé notre sens artiste, le vieil instinct qui aime à voir poser et résoudre élégamment un problème, beaucoup plus que sa doctrine elle-même ?

/ 1503