Dans les comtés, dans les villes, une administration indépendante maintenait des habitudes et des instincts de liberté. […] Est-ce là ce qui aurait fait porter à Johnson ce singulier jugement : « Que la tragédie de Shakespeare paraît être le fruit de l’art, et sa comédie celui de l’instinct ? » À coup sûr, rien n’est plus bizarre que de refuser à Shakespeare l’instinct de la tragédie ; et si Johnson en eût eu lui-même le sentiment, jamais une telle idée ne fût tombée dans son esprit. […] Shakespeare eût cherché vainement, dans leur conduite et leur nature personnelle, ce mobile unique des faits, cette vérité simple et féconde qu’invoquait l’instinct de son génie. […] Le génie puissant dont le regard avait embrassé la destinée humaine n’en pouvait méconnaître le sublime secret ; un instinct sûr lui révélait cette explication dernière, sans laquelle il n’y a que ténèbres et incertitude.