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180. (1862) Portraits littéraires. Tome II (nouv. éd.) « Bernardin de Saint-Pierre »

Quand Racine fils, plus tard, dans son Poème de la Religion, a fait de si tendres peintures des instincts et de la couyée des oiseaux, il se ressouvenait plus de Fénelon que des pures doctrines de Saint-Cyran. […] Ces instincts sont bien de l’ami de la nature qui réalisera parmi nous quelque image d’un sage Indien, de l’écrivain sensible qui nous transmettra l’éloge de son épagneul Favori ; qui, dans Paul et Virginie, les louera avec complaisance de leurs repas d’œufs et de laitage, ne coûtant la vie à aucun animal  ; et qui célébrera avec tant d’effusion la bienfaisance de Virginie plantant les graines de papayer pour les oiseaux. […] Instinct déclaré encore d’une âme que les seules beautés naturelles raviront, que l’art né des hommes touchera peu ou même choquera, et qui, dans Paul et Virginie (seule tache peut-être en ce chef-d’œuvre), ira jusqu’à déclamer en quatre endroits très-rapprochés contre les monuments des rois opposés à ceux de la nature ! […] Quiconque est sensible de cœur, quiconque est né voyageur par instinct ou poëte, lit un jour Bernardin et est initié par lui. […] Lamartine, en faisant lire et relire à son Jocelyn le livre de Paul et Virginie, a proclamé cette influence première sur les jeunes cœurs qui, depuis l’apparition des Études, s’est prolongée en pâlissant jusqu’à nous ; il n’y a pas rendu un moindre hommage dans le titre et dans maint retentissement de ses Harmonies, mais nulle part d’un instinct plus filial, selon moi, que par cette pièce du Soir des premières Méditations, qui est comme la poésie même de Bernardin, recueillie et vaporisée en son intime essence.

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