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793. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome premier — Livre premier. La sensation, dans son rapport à l’appétit et au mouvement — Chapitre premier. La sensation »

Si nous étions sensibles à toutes choses d’une sensibilité distincte, notre être serait d’une impressionnabilité trop grande pour pouvoir conserver son capital d’énergie : nous serions usés, brûlés, consumés en un instant ; il a donc été inévitable, d’un côté, que notre sensibilité s’émoussât et, de l’autre, qu’elle s’aiguisât : de là des ombres et des lumières dans le tableau de la conscience ; de là des lacunes, des trous, des vides apparents entre nos diverses sensations distinctes, comme il y a un vide apparent entre les étoiles brillant dans la nuit. […] Fermez les yeux, tout un monde de formes et de couleurs s’anéantit en un instant. […] C’est pour cela même qu’il peut devenir partie intégrante du souvenir : il y a déjà de la mémoire dans l’éclair de sensation le plus instantané : ce qui n’aurait aucun retentissement, aucune persistance, si petite qu’elle soit, aucune durée, ne laisserait aucune trace, ne naîtrait que pour mourir en un même instant.

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