Si l’Être Tout-Puissant, qui a jeté l’homme sur cette terre, a voulu qu’il conçut l’idée d’une existence céleste, il a permis que dans quelques instants de sa jeunesse ; il put aimer avec passion, il put vivre dans un autre, il put compléter son être en l’unissant à l’objet qui lui était cher. […] Gloire, ambition, fanatisme, votre enthousiasme a des intervalles, le sentiment seul enivre chaque instant, rien ne lasse de s’aimer ; rien ne fatigue dans cette inépuisable source d’idées et d’émotions heureuses ; et tant qu’on ne voit, qu’on n’éprouve rien que par un autre, l’univers entier est lui sous des formes différentes, le printemps, la nature, le ciel, ce sont les lieux qu’il a parcourus ; les plaisirs du monde, c’est ce qu’il a dit, ce qui lui a plu, les amusements qu’il a partagés, ses propres succès à soi-même, c’est la louange qu’il a entendue, et l’impression que le suffrage de tous, a pu produire sur le jugement d’un seul. […] Mais quand c’est au premier objet de ses affections que la vie est consacrée, tout est positif, tout est déterminé, tout est entraînant, il le veut, il en a besoin, il en sera plus heureux ; un instant de sa journée pourra s’embellir au prix de tels efforts. […] vous vous exposez, avec des cœurs sans défense, à ces combats où les hommes se présentent entourés d’un triple airain ; restez dans la carrière de la vertu, restez sous sa noble garde ; là il est des lois pour vous, là votre destinée a des appuis indestructibles ; mais si vous vous abandonnez au besoin d’être aimée, les hommes sont maîtres de l’opinion ; les hommes ont de l’empire sur eux-mêmes ; les hommes renverseront votre existence pour quelques instants de la leur. […] Mais s’il est un exemple qui puisse donner à la vertu même des instants de mélancolie, quelle femme, toutefois, quand l’époque des passions est passée, ne s’applaudit pas de s’être détournée de leur route ?