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680. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Histoire de la littérature anglaise, par M. Taine, (suite) »

La conquête de l’Angleterre par les Normands (1066) est la dernière en date des grandes invasions territoriales qui ont précédé partout le Moyen-Age, et le Moyen-Age était déjà commencé partout ailleurs quand elle eut lieu ; la langue, et partant la littérature anglaise qui en devait sortir, se trouva ainsi en retard sur les autres littératures du continent, particulièrement sur la française : elle s’inspira, elle s’imprégna d’abord de celle-ci, et elle n’acquit qu’avec le temps son juste tempérament, sa saveur propre. […] Jamais le feu de l’enthousiasme pour la chose publique, jamais la grandeur et la terreur qu’inspirent ces grands sauveurs révolutionnaires, hommes de glaive et d’épée, ne trouvèrent de plus vibrants et de plus vrais accents s’échappant à flots pressés d’une poitrine sincère : « C’est folie, s’écrie le poète, de braver ou d’accuser l’éclair et la foudre du Ciel irrité : et, à parler franc, beaucoup est dû à cet homme qui, de l’enclos de ses vergers domestiques, où il vivait retiré et austère comme si son plus profond dessein eût été de planter ses poiriers et de greffer sa bergamote, a su par son industrieuse valeur gravir et s’élever jusqu’à ruiner l’œuvre antique des temps et à jeter ces vieux royaumes dans un nouveau moule. » On sent ici comme la réalité anglaise et la franchise du ton se contiennent mal sous l’imitation classique, comme elles percent et crèvent en quelque sorte l’enveloppe d’Horace.

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