J’aurais voulu, par exemple, un La Mennais devenu catholique et libéral, comme au lendemain de l’Avenir, mais ayant la force de demeurer tel sous le coup même des encycliques et malgré l’appel et l’attrait de la démocratie : je l’aurais désiré s’enfermant pendant quelque temps dans un religieux silence, et n’en sortant depuis qu’à de rares intervalles par des écrits de réflexion et d’éloquence où il aurait tout concilié, tout maintenu du moins, où il n’aurait rien sacrifié, où il serait resté opiniâtrément le prêtre de la tradition antique et des espérances nouvelles : en s’attachant à un tel rôle bien difficile sans doute, mais si fait pour imposer à tous le respect et l’estime, il aurait fini, sans la chercher, par retrouver son heure d’action et d’influence, et il n’aurait pas eu à l’acheter au prix de la considération. […] Si nous en valons la peine, on nous nomme, on nous caractérise en deux mots, et voilà la page de notre vie dans un siècle. » Dans les temps d’orage, au contraire, « dans ces drames désordonnés et sanglants qui se remuent à la chute ou à la régénération des empires, quand l’ordre ancien s’est écroulé et que l’ordre nouveau n’est pas encore enfanté, dans ces sublimes et affreux interrègnes de la raison et du droit,… tout change ; la scène est envahie, les hommes ne sont plus des acteurs, ils sont des hommes… Tout a son règne, son influence, son jour ; l’un tombe, parce qu’il porte l’autre ; nul n’est à sa place, ou du moins nul n’y demeure ; le même homme, soulevé par l’instabilité du flot populaire, aborde tour à tour les situations les plus diverses, les emplois les plus opposés ; la fortune se joue des talents comme des caractères ; il faut des harangues pour la place publique, des plans pour le Conseil, des hymnes pour les triomphes… On cherche un homme !