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678. (1888) Journal des Goncourt. Tome III (1866-1870) « Année 1868 » pp. 185-249

Il avait pris pour thèse que, chez tout le monde, sans exception, tous les sentiments et toutes les impressions dépendent du bon et du mauvais état de l’estomac, et il racontait, à l’appui, l’histoire d’un mari de ses amis qu’il avait emmené dîner chez lui, le soir de la mort de sa femme, une femme qu’il adorait. — Il lui avait servi un morceau de bœuf, lorsque le mari tendit son assiette et avec une douce imploration de la voix, lui demanda : « Un peu de gras ! […] 31 août C’est aujourd’hui que Hostein doit nous communiquer ses impressions personnelles. […] Il nous fait un peu attendre et paraît, nos cinq actes à la main, et passant ses mains dans son toupet d’homme d’affaires, et s’asseyant à la marche d’une estrade, qui est comme la marche de l’autel du drame, dominé par les Mousquetaires de Dumas père, en galvanoplastie, il nous dit : « Je vous ai lu avec beaucoup d’attention… Je vous ai reçus, aussi, soyez tranquilles, c’est convenu… J’ai voulu vous épargner l’émotion… Ma première impression est que la censure ne laissera jamais passer la pièce… Maintenant, vous me permettrez de vous parler au point de vue de mon théâtre… Il n’y a pas de drame dans vos cinq actes… il n’y a pas d’intérêt… C’est la Révolution dans les salons… Ça manque de mouvement… Non, tenez, mon public, il lui faut… il faut, à un moment, qu’il y ait un traître qui enjambe par la fenêtre… Vous verrez, quand vous travaillerez sérieusement pour ici… Vous ne venez pas souvent au Châtelet… Jamais, n’est-ce pas ? […] * * * — L’idéal du roman : c’est de donner avec l’art, la plus vive impression du vrai humain, quel qu’il soit. […] Notre impression toute première fut de voir en lui un normalien, à l’encolure de Sarcey, dans le moment, légèrement crevard, mais en le regardant bien, le râblé jeune homme nous apparut avec des délicatesses, des modelages de fine porcelaine dans les traits de la figure, la sculpture des paupières, les curieux méplats du nez ; en un mot un peu taillé en toute sa personne à la façon des vivants de ses livres, de ces êtres complexes, un peu femmes parfois en leur masculinité.

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