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545. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome second — Livre cinquième. Principales idées-forces, leur genèse et leur influence — Chapitre cinquième. Genèse et action des principes d’identité et de raison suffisante. — Origines de notre structure intellectuelle »

En repoussant de soi la contradiction, la pensée la repousse par là même de ses objets ; car, pour concevoir la contradiction dans les objets, il faudrait qu’elle la reçût d’abord en elle-même, ce qui est de fait impossible. […] On peut, si l’on se plaît à ces jeux d’esprit, supposer de cet x qu’il est l’identité des contraires ; on peut prétendre que le principe de contradiction est seulement valable pour nous ; et de fait, comme c’est toujours nous qui faisons la supposition, nous roulons dans un cercle dont il est impossible de sortir. […] « Le nombre des cas, dit le kantien Helmholtz, où nous pouvons démontrer le rapport d’un fait à sa condition est bien peu considérable par rapport au nombre des cas où cette démonstration nous est impossible ; si donc la loi de raison suffisante était une loi d’expérience, sa valeur inductive serait bien peu satisfaisante : nous pourrions tout au plus comparer son degré de validité à celui des lois météorologiques, comme celle du vent, etc… » — On peut répondre que notre ignorance n’est qu’une raison toute négative contre l’universalité des lois, tandis que notre savoir est une raison positive : or, ce sont les raisons positives qui sont les vraies forces capables d’influer sur notre volonté. […] Enfin, avant à démontrer le principe des causes finales comme différent du mécanisme, on commence par supposer que le mécanisme même est impossible sans les causes finales ; de la dépendance réciproque des diverses parties de l’univers on tire immédiatement, sans démonstration, la conclusion suivante : « Il faut donc que, dans la nature, l’idée du tout ait précédé et déterminé l’existence des parties. » Cela revient à dire que la nécessité réciproque des parties dans un tout présuppose toujours l’idée de ce tout comme cause, conséquemment une cause idéale ou finale ; or, c’est précisément ce qui est en question : il s’agit de savoir si la soudure indestructible des parties d’un mécanisme suppose partout un ouvrier qui les ait soudées d’après une idée, ou si, au contraire, les lois du déterminisme et du mécanisme ne suffisent pas à expliquer cette détermination réciproque et mécanique des parties.

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