Il est impossible, en effet, qu’il y ait eu depuis plus de vingt-cinq ans une sorte de concours ouvert pour apprécier ces admirables tableaux d’histoire et leur auteur, sans que toutes les idées justes, toutes les louanges méritées et les réserves nécessaires se soient produites : il ne peut être question ici que de rappeler et de fixer avec netteté quelques-uns des points principaux acquis désormais et incontestables. […] Mais je ne parle que de portraits et il y a bien autre chose chez lui, il y a le drame et la scène, les groupes et les entrelacements sans fin des personnages, il y a l’action ; et c’est ainsi qu’il est arrivé à ces grandes fresques historiques parmi lesquelles il est impossible de ne pas signaler les deux plus capitales, celle de la mort de Monseigneur et du bouleversement d’intérêts et d’espérances qui s’opère à vue d’œil cette nuit-là dans tout ce peuple de princes et de courtisans, et cette autre scène non moins merveilleuse du lit de justice au Parlement sous la Régence pour la dégradation des bâtards, le plus beau jour de la vie de Saint-Simon et où il savoure à longs traits sa vengeance. […] Plus on accordait à un homme de son âge du sérieux, de la lecture et de l’instruction en lui attribuant ce caractère indépendant, plus on le rendait impossible dans le cadre d’alors et inconciliable. […] M. de Choiseul, pendant son ministère, en prêta des volumes à Mme du Deffand qui en écrivit ses impressions à Horace Walpole auquel elle aurait voulu également les prêter et les faire lire : « Nous faisons une lecture l’après-dîner, lui mandait-elle (21 novembre 1770), les Mémoires de M. de Saint-Simon où il m’est impossible de ne pas vous regretter ; vous auriez des plaisirs indicibles.