J’imagine que les femmes poètes trouvent dans leur poésie leur plus parfaite eurythmie. […] Elle imagine que son bien-aimé vivra éternellement, sorte de Béatrix-homme, dans la mémoire des femmes : Mes vers vous font un coin éternel dans l’espace, Tous vous ignoreront… mais des yeux aussi purs Que les miens, mon Héros, en des printemps futurs, S’ouvriront doucement, dans des clartés suprêmes Pour vous chercher, ô vous qu’ont chanté mes poèmes ! […] Je ne souhaite pas d’autre repos que celui du sommeil de la mort. » C’est le tourment de l’attente qui fait la poésie de cette Muse ; le bonheur qu’elle espère est d’autant plus beau qu’il la fuit davantage : elle l’imagine et lui donne une réalité perpétuelle en elle-même. […] Elle imagine que, portée au large par le vent, l’odeur de l’été réveillera en son ami le souvenir des caresses passées, Et d’un visage ardent que pâlissait l’amour. […] Nietzsche n’eût-il pas dit : « Méfiez-vous de la pitié, car la pitié a toujours tort. » Elle est socialiste aussi ‒ par pitié sans doute ‒ elle chante la romance des ouvriers peints de plâtre ; elle les imagine « ressemblant tous aux mineurs de Constantin Meunier, nus avec cette culotte de toile que la sueur leur colle aux hanches ».