Mais, comme il s’imagine avoir fondé la critique littéraire sur quelque chose en la fondant sur le goût, avant d’exposer mes nouveaux principes, j’ai à suivre l’exemple qu’il m’a donné lui-même : moi aussi, je dois lui dire pourquoi je considère sa méthode comme chimérique. […] Il était impossible à Racine d’imaginer et de penser autrement qu’avec l’imagination et l’esprit de son temps, de sentir avec un autre cœur que le sien, d’écrire une autre langue que cette langue polie et abstraite qu’il avait reçue des mains de Malherbe, et qui s’était encore épurée dans les salons de Louis XIV. […] « Je n’ai rien vu, dit-il, mais les hommes comme moi n’attendent pas de voir ; il suffit qu’ils imaginent, qu’ils soupçonnent, qu’ils aient une crainte, une idée. » Un jour, il rencontre, sans l’avoir cherchée, une preuve positive, le poignard du prince dans la chambre de sa femme. […] Je ne sais pas pourquoi l’on est convenu de considérer comme parfaite une certaine beauté négative, où l’on a évité toutes sortes de fautes ; c’est par une illusion d’optique que l’on croit avoir évité toutes sortes de fautes, et que l’on s’imagine voir dans l’harmonie et la mesure plus de perfection que dans la fougue désordonnée. […] Quand il perdit son père à dix-huit ans, le pauvre fils de pasteur n’ayant pas le sou, point de science et peu d’idées, pour vivre imagina d’écrire, et pour se faire lire imagina de n’avoir pas le sens commun, d’être original à tout prix, c’est-à-dire à peu de frais.