Pascal a les grands mouvements, la tendresse, l’ironie poignante ou la profonde pitié, une logique qui, pour convaincre la raison ou la forcer d’abdiquer, s’aide de la faiblesse même de l’imagination, qu’elle épouvante par ses dilemmes45 ; des nuances ou se peignent les divers états de son âme, tantôt calme et sereine, quand la foi la possède, tantôt troublée et exaltée par le doute qui la ressaisit ; jamais médiocrement touchée. […] Pascal emploie contre la résistance de la raison l’imagination et la sensibilité ; il y fait servir toutes les passions tour à tour, l’admiration, le désir, l’espérance, la joie, la tristesse, et, s’il le faut, la peur. […] Mais ce n’est ni par l’enthousiasme du Psalmiste, ni par l’imagination échauffée des ascètes, que cette prière s’élève si haut ; c’est par des raisons qui se déduisent les unes des autres, et se succèdent comme les degrés d’une échelle mystique : on sent qu’aucun échelon ne manquera sous les pieds de Pascal. […] Mais ce que l’imagination du poète pouvait concevoir de plus grand, Pascal seul l’a surpassé par cette lutte sublime de la nature immatérielle qui, dans le temps de son union intime avec le corps, veut néanmoins s’en tenir séparée, et, dans la cohabitation même, se défend du contact. […] C’est que Pascal a eu tous les dons de l’esprit en perfection : la rigueur scientifique d’un grand géomètre et l’imagination d’un grand poète ; une raison que ne contente pas ce qui paraît évident à celle de Descartes, et que ne rebute ni ne lasse jamais la difficulté de se contenter ; plus de sensibilité que n’en ont eu Descartes, Bossuet, La Bruyère ; de l’esprit comme Fénelon ; de la gaieté railleuse comme Voltaire.