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686. (1854) Histoire de la littérature française. Tome I « Livre II — Chapitre quatrième »

L’imagination et le caprice par lesquels nous nous attacherions à ce qui n’aurait été chez eux qu’un tour d’esprit passager, une exagération, une mode, n’ont aucune part dans ce commerce. En effet, la partie des littératures anciennes qui a ce caractère, et qui est ou particulière à certaines époques, ou exclusivement locale, nous est dérobée par tant d’obscurités historiques ou de philologie, que, loin d’y être attirés par l’imagination, c’est ordinairement la pâture de l’érudition la plus froide et la plus patiente. […] L’imitation en sera toujours dangereuse, parce que, tout au contraire de l’imitation des anciens, c’est par l’imagination et le caprice que nous sommes tentés de ressembler aux auteurs étrangers. […] C’est par l’imagination que nous admirons les contemporains, et de là nos illusions ; c’est par le jugement, quelle que soit la prévention qui le sollicite, que nous les critiquons ; et de là cette sorte d’infaillibilité de la critique. […] Malgré la précoce beauté de ces grands traits de philosophie chrétienne, qui sont la part de la Réforme dans Ronsard, et quoiqu’il y ait en beaucoup d’endroits de son recueil de l’imagination, du feu, de la fécondité, quelque invention de style, ce poète équivoque placé entre les petites perfections de la poésie familière de Marot et la haute poésie de Malherbe, ne sera jamais un auteur qu’on fréquente ; mais, comme représentant d’une époque, il y aura toujours justice à l’apprécier et profit à l’étudier.

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