/ 2583
575. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Les Confessions de J.-J. Rousseau. (Bibliothèque Charpentier.) » pp. 78-97

Les deux natures, celle de René et celle de Rousseau, ont un coin malade, trop d’ardeur mêlée à l’inaction et au désœuvrement, une prédominance de l’imagination et de la sensibilité qui se replient sur elles-mêmes et se dévorent ; mais, des deux, Rousseau est le plus vraiment sensible, celui qui est le plus original et le plus sincère dans ses élans chimériques, dans ses regrets, dans ses peintures d’un idéal de félicité permise et perdue. […] Nous courons risque d’être aujourd’hui trop peu sensibles à ces premières pages pittoresques de Rousseau ; nous sommes si gâtés par les couleurs, que nous oublions combien ces premiers paysages parurent frais et nouveaux alors, et quel événement c’était au milieu de cette société très spirituelle, très fine, mais sèche, aussi dénuée d’imagination que de sensibilité vraie, dépourvue en elle-même de cette sève qui circule et qui, à chaque saison, refleurit. […] Son esprit droit et ferme prête partout à l’imagination son burin, pour que rien d’essentiel dans le dessin ne soit omis. […] Chez eux l’imagination dans sa pompe absorbe et domine tout.

/ 2583