Ai-je besoin de dire qu’il n’y a pas de tableau et que, pour découvrir ici ou là une ligne significative, nous sommes obligés à beaucoup d’indulgence et à beaucoup d’imagination ? […] Madame Bovary est moins un roman réaliste qu’une parodie du romantisme, une longue raillerie de l’imagination et de la sensibilité, de la passion et du rêve, de toute la poésie. […] Voici comment elle nous définit Lucie Altimare, « l’aventureuse », la plus significative de ses héroïnes : « Au fond, un cœur froid et aride, sans une palpitation d’enthousiasme ; au-dehors une imagination trompeuse qui grandissait toute sensation, qui augmentait toute impression… Au fond, un manque absolu de sentiment ; au-dehors, des rêveries sur les nobles utopies humanitaires, des aspirations flottantes vers un idéal incertain. » Et on nous fait connaître longuement « l’artifice de sa personne, un artifice si naturel, si absolu, si complet, qu’il la trompait elle-même, en lui donnant une fausse sincérité ; en devenant son véritable caractère, son tempérament, son sang, ses nerfs ; en la persuadant de sa propre bonté, de sa propre vertu, de sa propre supériorité ».