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234. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Lamartine — Lamartine »

Il faut, en effet, pour arriver à elles, pour prétendre à les ravir et à être nommé d’elles leur bienfaiteur, joindre à un fonds aussi précieux, aussi excellent que celui de l’Homme de Désir, une expression peinte aux yeux sans énigme, la forme à la fois intelligente et enchanteresse, la beauté rayonnante, idéale, mais suffisamment humaine, l’image simple et parlante comme l’employaient Virgile et Fénelon, de ces images dont la nature est semée, et qui répondent à nos secrètes empreintes ; il faut être un homme du milieu de ce monde, avoir peut-être moins purement vécu que le théosophe, sans que pourtant le sentiment du Saint se soit jamais affaibli au cœur ; il faut enfin croire en soi et oser, ne pas être humble de l’humilité contrite des solitaires, et aimer un peu la gloire comme l’aimaient ces poëtes chrétiens qu’on couronnait au Capitole.  […] Il passa là, avec ses sœurs, une longue et innocente enfance, libre, rustique, errant à la manière du ménestrel de Beattie, formé pourtant à l’excellence morale et à cette perfection de cœur qui le caractérise, par les soins d’une admirable mère, dont il est, assure-t-on, toute l’image. […] À une distance plus rapprochée des premières Méditations, il pouvait sembler du moins que l’image d’Elvire dominait sa vie, qu’elle en était l’accident essentiel, la romanesque et poétique inspiration, et qu’à mesure qu’il s’éloignerait d’elle tout en lui pâlirait. […] Le point central de ce double monde, à mi-chemin des  Hauts-lieux et du Vallon, le miroir complet qui réfléchit le côté métaphysique et le côté amoureux, est le Lac, le Lac, perfection inespérée, assemblage profond et limpide, image une fois trouvée et reconnue par tous les cœurs. […] Le rhythme a serré davantage la pensée ; des mouvements plus précis et plus vastes l’ont lancée à des buts certains ; elle s’est multipliée à travers des images non moins naturelles et souvent plus neuves.

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