/ 2246
1012. (1932) Les deux sources de la morale et de la religion « L’obligation morale »

Lui, qui sait ce qu’il est, il se sent plus isolé parmi les hommes qu’il ne le serait dans une île déserte ; car dans la solitude il emporterait, l’entourant et le soutenant, l’image de la société ; mais maintenant il est coupé de l’image comme de la chose. […] Dans la première, l’émotion est consécutive à une idée ou à une image représentée ; l’état sensible résulte bien d’un état intellectuel qui ne lui doit rien, qui se suffit à lui-même et qui, s’il en subit l’effet par ricochet, y perd plus qu’il n’y gagne. […] Mais un amour plus tiède, atténué et intermittent, ne peut être que le rayonnement de celui-là, quand il n’est pas l’image, plus pâle et plus froide encore, qui en est restée dans l’intelligence ou qui s’est déposée dans le langage. […] Maintenant, l’impulsion deviendrait manifestement attraction si le respect « de soi » était celui d’une personnalité admirée et vénérée dont on porterait en soi l’image et avec laquelle on aspirerait à se confondre, comme la copie avec le modèle. […] Chacun de nous peut le revivifier, surtout s’il le rapproche de l’image, restée vivante en lui, d’une personne qui participait de cette mysticité et la faisait rayonner autour d’elle.

/ 2246