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2198. (1887) Journal des Goncourt. Tome I (1851-1861) « Année 1855 » pp. 77-117

* * * — Veuillot, l’aboyeur des idées de M. de Maistre. […] Qui sait si un jour les démocraties qui viendront, n’auront pas l’idée d’élever aux gloires de la France, un Panthéon de souvenirs et de commémoration, accessible à l’intelligence des yeux de tous, et que les foules liront sans épeler, — un Versailles en cire ? […] Les idées politiques de 1848 l’ont un moment enfiévré, fait revivre, mais quand elles ont été tuées, il a été repris de plus belle par l’ennui de l’existence, l’inoccupation des pensées et des aspirations. […] Je vois la tombe d’un fils, que le père a eu l’idée d’entourer de deux étages de sonnettes percées de petits trous, qui doivent, par les grands vents, bercer le mort de leur musique éolienne… C’est beau tout de même cette nécropole polonaise, sur laquelle toutes ces âmes, veuves de la patrie, ont jeté ce cri posthume : Exoriatur nostris ex ossibus ultor … Puis le marquis de Bouillé à côté d’Alcide Tousez, les jeux de la Mort et du Hasard. […] Le parti des universitaires, des académiques, des faiseurs d’éloges des morts, des critiques, des non producteurs d’idées, des non imaginatifs, choyé, festoyé, gobergé, pensionné, logé, chamarré, galonné, crachaté, et truffé et empiffré par le règne de Louis-Philippe, et toujours faisant leur chemin par l’éreintement des intelligences contemporaines, n’a donné, Dieu merci, à la France ni un homme, ni un livre, ni même un dévouement.

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