Chateaubriand, malgré l’élévation du sien, ne fut pas exempt de cette illusion : le chef-d’œuvre idéal du temps où il écrivait était le poëme épique ; il en portait le germe et l’ambition dans son sein. […] LXIV Chateaubriand crut, comme un enfant, que le poëme épique pouvait renaître et conquérir un renom impérissable à son auteur, pourvu qu’il eût un grand talent ; il oublia du même coup le fond qui était la foi, et la forme qui était le vers, forme idéale et parfaite du langage humain. […] « Plus on a aimé les poëtes sous cette forme idéale qu’ils nous ont donnée d’eux-mêmes, plus on regrette qu’ils ne l’aient pas réalisée en tout dans leur vie, et qu’ils se soient tant mêlés ensuite à la poussière et aux bruits de la terre. […] Il me manquait quelque chose pour remplir l’abîme de mon existence : je descendais dans la vallée, je m’élevais sur la montagne, appelant de toute la force de mes désirs l’idéal objet d’une flamme future ; je l’embrassais dans les vents ; je croyais l’entendre dans les gémissements du fleuve ; tout était ce fantôme imaginaire, et les astres dans les cieux, et le principe même de vie dans l’univers. » « C’est juste l’Isolement de Lamartine, toujours avec la différence des complexions et des natures : Que le tour du soleil ou commence ou s’achève, D’un œil indifférent je le suis dans son cours ; En un ciel sombre ou pur qu’il se couche ou se lève, Qu’importe le soleil ? […] Là je m’enivrerais à la source où j’aspire ; Là je retrouverais et l’espoir et l’amour, Et ce bien idéal que toute âme désire, Et qui n’a pas de nom au terrestre séjour !